« Vivre n’était jamais suffisant. Il fallait se projeter des plans à long terme, cela il ne le comprenait pas – par quelles démangeaisons elles se retrouvaient à lui établir des projections à long terme, la maternité revenait toujours sur le tapis, lui, qui était somme toute le premier enfant, n’était plus jouet satisfaisant, une pression ambiante ou un appel physiologique entraînait sans faute les gonflements de circonstance, ensuite de quoi tout était détruit, on était liquidé par la paternité, la paternité n’était plus qu’une maladie honteuse qu’on cachait quelques temps, puis qu’on finissait par brandir fièrement, car on n’avait plus que cela. » (R.D, Matanzas, 2018)
« Vous voyez un homme dans une attitude méditative, ou lisant un livre en fauteuil, les jambes croisées, et vous imaginez cet homme dans une position d’amours charnelles ; il est discrédité. L’homme n’est plus plausible s’il s’est laissé pervertir sexuellement. Moi-même, pour me décharger de la rançon physiologique insupportable, je fais très vite mes besoins dans l’évier en arrivant dans la chambre d’hôtel, ainsi puis-je me disposer à écrire sans être tiraillé par un désir malfaisant. Non seulement je dois exécuter mes exercices physiques, mais il me faut aussi subir des excrétions interminables et éjaculer dans l’évier, quand le réceptionniste ne me retient pas boire une bière au bar de l’hôtel. Si je ne décharge pas cette purée cumulative il m’est impossible d’écrire. » (R.D, entretien avec J.P Gavard)
« Il m’a été inoculé le désir de me raconter, mais des hontes m’en empêchent, des écueils de pudeur se sont dressés sur le chemin de l’écriture, ou je les ai dressés, dirais-je, personnellement, à cause d’un nombre conséquent de mauvais choix, d’erreurs de jugements, de précipitations, ce jeune homme trop prompt à angoisser que j’étais et que je demeure, l’exemple le plus frappant serait cette terreur ressentie post-déménagement, si bien que je travestis en fin de compte la réalité, la déguise d’une manière qui, peut-être, pourrait m’humilier davantage, réalité qui, pourtant, demeurant légèrement dévoyée, donc fausse, maquille par le mensonge l’horreur de mon curriculum, transfigure mon malheur, panse mes blessures et me console. Peut-être, me dis-je, l’impériosité de l’objet livre fera foi, peut-être serai-je assez assidu dans ma folie pour changer le cours du passé jusque dans ma mémoire. » (R.D, entretien avec J.P Gavard)
« Le nombre des secrets progresse sans qu’on le remarque. Les secrets naissent au fil du temps, les hontes refoulées deviennent souvenirs presque oubliés puis secrets, si bien qu’en livrant un secret on a l’impression de vider son sac alors qu’il se remplit en réalité par un autre endroit, non par l’ouverture mais par une porte dérobée. En regardant dans la hotte à secrets on s’aperçoit alors que les hontes et les secrets se sont accumulés, qu’il semble dès lors impossible de les livrer avant sa fin, car le temps ne joue jamais en la faveur de l’aveu, le bon secret se cachant en quelque sorte à lui-même et résistant à toutes les faiblesses et à toutes les volontés. » (R.D, entretien avec J.P Gavard)
Le Récupérateur a deux ans (déjà). Nous attendons la nouvelle ponte.